CINQ ANS PLUS TARD…

Vincent Cunin : Chirurgien orthopédiste pédiatre

Chef de service du service de Chirurgie orthopédique pédiatrique de l’HFME Lyon

Je n’étais pas retourné au Bangladesh depuis 2020. Qu’allais-je trouver ? On pouvait lire en 2024 que ce pays affichait une économie flamboyante, la seconde des pays d’Asie du sud avec un PIB par habitant plus fort que celui de l’Inde et un taux de croissance entre 5 et 10% depuis plus de dix années. Mon engagement, notre engagement avait-il encore un sens ?

Hopital Chittagong

A Chittagong, j’ai découvert le nouvel hôpital qui fonctionne sur 12 étages et qui semble avoir considérablement augmenté son activité par rapport à l’ancien.

L’hôpital dispose de tous les équipements indispensables en termes d’imagerie et de laboratoire d’analyses. Une partie entière du bâtiment est dédiée à la cancérologie. Le bloc fonctionnait bien. Nous disposions de deux infirmières et d’un garçon de bloc dédiés à la mission tous bien rodés et efficaces. Les deux difficultés étaient la lenteur de la préparation du premier patient avec des anesthésistes rarement sur le pont avant 9h et la nécessité de bien préparer les boîtes utiles à la chirurgie la veille ce qui laissait peu de marge d’erreur. Le secteur d’hospitalisation situé au dixième et onzième étage était propre et fonctionnait avec l’aide d’un personnel qui m’a paru plus impliqué et efficace qu’auparavant.

A Chakaria, en cinq ans le centre n’est plus le même ! L’atelier est hyperactif et de réputation nationale. Les appareilleurs gèrent les attelles et prothèses prescrites par des médecins de Chittagong indépendamment de nos missions. Une très belle évolution avec une équipe qui s’est considérablement étoffée. Les consultations se sont bien déroulées.

L’usage de Cryptomédic semble acquise et bien utile.  Les pieds bots sont pris en charge en complète autonomie avec des kinés devenus réellement experts techniquement dans la gestion de cette pathologie. C’est une grande satisfaction eu égard à l’investissement de nos missions. Concernant le rachitisme des cas persistent mais beaucoup moins sévères. Une grande satisfaction également à ce niveau en termes d’éducation, de prévention et de traitement médical.

Concernant les enfants atteints de paralysie cérébrale, les résultats ne sont pas assez bien analysés et je pense qu’il faut de façon indispensable réaliser une vidéo avant et après opération pour mieux évaluer nos résultats et la pertinence de cette chirurgie. Cette chirurgie est tout à fait réalisable au Bangladesh mais il est indispensable de pouvoir mieux analyser les résultats et de pouvoir mieux contrôler la prise en charge de rééducation post-opératoire

Le recrutement des patients semble avoir évolué avec de nombreux patients issus de milieux beaucoup plus aisés. Tout cela est le fruit de la réputation, de l’autonomisation du Centre de Chakaria et c’est une évolution souhaitable pour le financement des soins, mais cela soulève la question de notre engagement humanitaire qui est destiné aux familles les plus pauvres et les plus démunies. En effet, il persiste au Bangladesh une inégalité très forte de répartition des richesses avec une importante part de la population qui vit encore dans une extrême pauvreté.  Une solution serait de prendre en charge les gens les plus aisés en utilisant leur participation financière pour financer les familles les plus pauvres afin qu’elles aient un accès totalement gratuit aux soins. Même si l’évolution du projet en 5 ans a été impressionnante, il est important pour la pertinence de nos missions de pouvoir toujours prendre en charge les enfants issus des familles les plus pauvres.